Кафедра и трон. Переписка императора Александра I и профессора Г. Ф. Паррота

Андрей Андреев
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Аннотация: Профессор физики Дерптского университета Георг Фридрих Паррот (1767–1852) вошел в историю не только как ученый, но и как собеседник и друг императора Александра I. Их переписка – редкий пример доверительной дружбы между самодержавным правителем и его подданным, искренне заинтересованным в прогрессивных изменениях в стране. Александр I в ответ на безграничную преданность доверял Парроту важные государственные тайны – например, делился своим намерением даровать России конституцию или обсуждал участь обвиненного в измене Сперанского. Книга историка А. Андреева впервые вводит в научный оборот сохранившиеся тексты свыше 200 писем, переведенных на русский язык, с подробными комментариями и аннотированными указателями. Публикация писем предваряется большим историческим исследованием, посвященным отношениям Александра I и Паррота, а также полной загадок судьбе их переписки, которая позволяет по-новому взглянуть на историю России начала XIX века. Андрей Андреев – доктор исторических наук, профессор кафедры истории России XIX века – начала XX века исторического факультета МГУ имени М. В. Ломоносова.

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Кафедра и трон. Переписка императора Александра I и профессора Г. Ф. Паррота

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18. G. F. Parrot à Alexandre IER

[Dorpat, mai 1803]

Sire!

Me voici vis-à-vis de Votre lettre; je la relis, peut-être pour la dixième fois. L’attendrissement qu’elle m’a causé à la première lecture ne diminue pas et je ne sais comment répondre. Les idées et les sentiments, le souvenir de mon séjour à Pétersbourg, le bonheur dont Votre présence m’a comblé, supérieur à tout ce que mon ardente imagination osait se permettre de désirer – tout se croise dans ma tête et dans mon cœur – je ne viens pas à bout d’écrire. Je me trouve si heureux dans cette situation! – Mais les affaires m’appelleront bientôt, et je Vous dois, Sire, une réponse dictée par la raison seule.

Croyez, Sire, fermement, que j’ai percé en effet au travers de la pourpre qui Vous environne, que je n’aime de toute Votre personne que Vous-même. Peu après Votre avènement au trône Vos premiers Ukases m’inspirèrent de l’enthousiasme pour le Monarque qui sait aimer les hommes, et lors de votre passage à Dorpat, où j’eus le bonheur de Vous dire à la hâte quelques mots dictés assurément par un sentiment pur, je ne voyais encore en Vous que l’instrument de bonheur de 40 millions d’hommes. Votre présence me mène plus loin que je ne croyais. Le ton de Votre réponse m’assura qu’elle contenait quelque chose de plus expressif que les mots officiels dont je dressai le protocole. Je commençai à Vous appartenir. Cependant je fluctuais encore. Je redoutais l’influence du Monarque. Il est si difficile d’éprouver ses sentiments. À Pétersbourg, où Votre cœur daigna s’adresser au mien, je me donnai à Vous sans réserve, sans crainte, sûr à présent qu’aucun égoïsme ne pouvait entrer dans ce que j’éprouvais pour Vous. Cette sûreté me rend heureux, elle adoucit l’amertume qu’on tâche de répandre sur ma vie; peut-être me rendra-t-elle invulnérable à cet égard. Laissez-moi ce sentiment tout entier, Sire. Laissez-moi Vous aimer à ma façon; et quand l’heure sonnera – souvenez-Vous de moi, comme Vous me l’avez promis. Je paierai ma dette en homme dans l’âme duquel les sentiments tendres n’ont laissé aucune empreinte de la faiblesse.

Sire, Vos réflexions sur la prospérité, l’adversité et l’attachement m’ont frappé. D’abord, j’ai été ravi de pouvoir en conclure que Vous Vous trouvez heureux. Il est vrai que les Princes qui se trouvent heureux sur le trône ne sont pas rares. Il y en a tant qui ont le secret de faire le bonheur de leurs sujets en toute commodité et de trouver ce passe-temps fort agréable, tandis que les Princes qui aiment véritablement leur peuple tombent souvent dans le défaut de ne pas aimer leur sublime vocation, parce que les difficultés qu’ils éprouvent les fatiguent. Ceux-là exigent trop peu d’eux-mêmes, ceux-ci exigent trop de l’humanité. Vous sentez sûrement, Sire, tous les désagréments de Votre situation; mais Vous savez que l’homme fort doit les supporter, qu’il doit accepter des mains de la providence les maux comme les biens sans répugnance, de gaieté de cœur. Il faut être généreux envers la nature, comme elle l’a été envers Vous. Vous l’êtes, Sire, je lis avec enthousiasme dans Votre lettre que Vous Vous trouvez heureux. Soyez-le, ô le plus chéri des mortels, soyez-le constamment, dans le sens que je donne à ce mot. Il n’y a que Vos ennemis qui puissent Vous souhaiter un bonheur constant dans le sens vulgaire1.

Vous m’avez donné une maxime qui m’a fait un plaisir infini. Elle est d’une vérité frappante. «Ce sont précisément les événements qui éprouvent l’homme lui-même». Une confiance immodérée en ses propres forces, la présomption, pour m’exprimer simplement, est une partie marquée du caractère de notre siècle. J’ai droit de le dire parce que je ne fais pas d’exception pour moi-même. Je me suis plus d’une fois surpris à ce défaut, qui me vient de la nécessité où je me suis constamment trouvé de payer de ma personne. On se fie trop facilement à soi-même lorsqu’on est persuadé de sa bonne volonté, et cette confiance immodérée a souvent coûté à tel honnête homme sa moralité parce que pour arriver à ses fins qui étaient bonnes en soi, il est devenu facile sur les moyens, faute de force pour y arriver en droiture. Jusqu’à présent je n’ai pas encore fléchi sur mon principe de ne point employer des moyens ignobles même pour le plus noble but. Aussi ai-je souffert, surtout tant que mon caractère n’était pas formé.

Mais, Sire, en m’accusant moi-même de présomption ne diminue-je pas la confiance dont Vous m’honorez, surtout sur le point de ce que Vous voulez bien appeler mes offres? Je l’ignore. Mais je sais qu’il était de mon devoir d’être vrai, et je n’ai à cet égard qu’un vœu, c’est que, que Votre confiance soit grande ou petite, forte ou faible, Vous me teniez parole dès que le cas s’en présentera.

Votre second principe, que ce sont des événements qui nous apprennent à connaître ceux qui nous sont véritablement attachés, est beaucoup moins vrai que le précédent. À la vérité il paraît en découler tout naturellement. «Si nous avons besoin de l’expérience pour apprendre à nous fier à nous-mêmes, comment se fier aux autres sans le secours de ce guide éclairé?»

Ma réponse est simple: le cas est différent. Pour tirer quelque profit d’une ou de plusieurs expériences, il faut connaître parfaitement les conditions sous lesquelles elles ont eu lieu, en morale comme en physique. Or n’est-t-il pas incomparablement plus difficile de connaître ces conditions lorsqu’il s’agit de juger des actions d’autrui que quand il est question de nous-mêmes? La plus saine logique est un guide bien peu sûr lorsqu’il s’agit de déterminer les motifs d’actions qui nous sont étrangères. L’esprit d’un seul luttant contre mille autres doit s’attendre, il est vrai, à quelques victoires mais aussi à bien des défaites, et ses victoires même doivent lui paraître douteuses. Ici comme en politique on chante souvent le Te Deum des deux côtés pour la même bataille2. Mais que faire dans cette incertitude? Vous surtout, Sire, dans la position où le genre humain s’applaudit de Vous voir, Vous souffrirez de votre principe et de mon commentaire. Je ne connais point d’état pire que celui de l’incertitude, parce qu’il paralyse l’homme fort, le rend l’esclave de l’avenir auquel il aurait le droit de commander. Mais, qui croira que la Nature ait abandonné dans quelque condition que ce soit l’homme moral à ce triste état? Il est vrai qu’elle n’a ni dû ni pu calquer l’homme sur le monarque. Mais si son ouvrage est parfait, le monarque doit se retrouver dans l’homme, surtout dans l’individu de qualités supérieures; il n’y a que le méchant qui fasse exception dans quelques conditions qu’il se trouve. Vous possédez, Sire, à un degré éminent, le secret qu’il Vous faut, celui de lire dans le cœur de l’homme par le sentiment. Le besoin Vous a forcé plus d’une fois d’en faire usage, et si Vous avez eu soin d’affranchir chacun de Vos jugements de toute influence étrangère au sentiment, sûrement Vous ne Vous serez pas trompé. Il n’y a que les jugements mixtes qui puissent être incertains. Un cœur pur nous conserve, dans toute son intégrité, ce tact délicat dont la nature nous a doués pour reconnaître nos semblables. Veuillez, Sire, lire dans les Abderites de Wieland le chapitre intitulé: le cosmopolite. C’est un traité charmant sur cette matière, qu’on ne cherche pas dans cet ouvrage3. Vous y trouverez bien des raisons de Vous fier à ce tact précieux qui compense des siècles d’expérience et nous fait pour ainsi dire participer à la toute science qui est l’apanage de la divinité.

Ce guide, sur la nature duquel la philosophie ne nous a encore rien dit de satisfaisant, est infiniment plus sûr que l’expérience et le raisonnement – vassaux de notre faiblesse et fauteurs de la défiance. Le sentiment au contraire qui réside dans l’homme pur ouvre son cœur à la confiance ou l’arme invinciblement contre l’hypocrisie.

Vous voyez un homme pour la 1re fois dans une situation importante à Vous et à lui. Il veut Vous tromper. Si c’est une tête faible, Votre regard fixe qui interroge pour ainsi dire son intérieur, le trouble, et la fraude est découverte presque avant qu’il ait parlé. S’il s’est préparé, si son cœur accoutumé à l’estime est armé contre ce regard, son maintien aura ou la gaucherie de l’homme indécis, ou le caractère vague du poltron qui se bat en retraite, ou le mielleux du flatteur ou le froid de l’homme qui a abjuré tout sentiment, ou enfin le faux air d’une franchise affectée. Quiconque est exempt de ces vices les découvre à l’instant dans autrui. Mais l’homme qui Vous parle ne peut pas Vous tromper, son intérêt est le même que Vôtre, parce que Vous ne Vous intéressez l’un et l’autre qu’au bien. Il est confiant, parce qu’il mérite la confiance. Son maintien est libre; il peut être gauche, mais ce sera la gaucherie de la modestie ou de la timidité. Son regard est ouvert, peut-être, un peu indécis, mais jamais louche. Le ton de sa voix est celui de son cœur. Occupé uniquement de son objet il ne songe pas à Vous captiver, mais il s’est établi dans Votre cœur sans en avoir le dessein avant que Vous ayez songé que Vous lui en ouvriez Vous-même l’entrée.

Tels sont, Sire, les rapports de l’homme à l’homme lorsqu’il a conservé le précieux trésor de son innocence. Il reconnaît ses semblables, se sent attiré vers eux et est repoussé par le méchant. Tel êtes Vous; permettez-moi de Vous prier de rester tel. Employez Votre raison à juger de la raison, des talents, en général du mérite intellectuel, mais réservez à Votre cœur, à Votre propre moralité, le soin de juger du cœur, de la moralité d’autrui. Alexandre le macédonien n’eût pas pris la médecine suspecte s’il n’avait consulté que sa raison dans ce moment important. Que pouvait-elle lui dire en faveur de l’ami s’il eût cru à la possibilité d’une trahison de sa part? Alexandre s’abandonne au sentiment, jette un regard sur l’ami en lui donnant la lettre et boit la coupe, et justifie par cette action le titre de grand qu’il tient de la flatterie ou de l’inconséquence des historiens; il prouve du moins qu’il était capable de quelque chose de mieux que de dévaster des provinces4.

Ma lettre est devenue un traité. Mais le sujet me fera pardonner cette longueur. Il n’est point d’indulgence, Sire, dont Vous ne soyez capable, et je n’ai pas l’ambition de ne pas vouloir être l’objet de la Vôtre, heureux d’être sûr de l’obtenir.

Ma femme a été comme moi infiniment sensible au souvenir gracieux dont Vous l’avez honorée, et rien ne manquerait à la jouissance qu’il lui cause, si elle ne nourrissait depuis le départ des tricots la crainte d’avoir déplu à S. M. l’Impératrice en osant les Lui adresser directement. C’est la première fois que sa main timide traçait des lignes pour une Impératrice.

Le sacrifice que je devais à ma parole est consommé. Je ne possède plus que les cendres de Votre lettre. Sire, est-ce un présage que cette lettre sera un phénix? Je ne Vous dirai pas que mon cœur le désire. Vous savez que ce désir est au-dessus de toute expression. Il découle si naturellement des sentiments que je Vous ai voués. Ne regrettez pas de régner sur mon cœur.

Parrot


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